[ Studio de Sinatra ] Petites reflexions.

Ce qui changeait le plus pour Sinatra, c'était bien le manque de place. Passer d'un palazzo italien à un studio coincé au fin fond d'une impasse bancale, il y avait un monde. Le seul avantage de cette demeure de fortune, c'était l'immense velux qui prenait la moitié de son toit. A peine allongée dans son lit, elle pouvait fixer les étoiles jusqu'à s'endormir, doucement bercée par l'éclat de ces boules d'énergies si lointaines. Lit qui était justement coincé au fond à droite de sa pièce à vivre. Au pied de son matelas était calé son canapé de dos, lequel était dirigé droit vers une vieille télé, prête à rendre l'âme au premier courant d'air. Elle pouvait ainsi s'élancer du canapé jusqu'à son lit, lequel grinçait sous le poids mort qui s'écrasait là. Sur le coin supérieur gauche de la pièce, quelques meubles se battaient avec un frigo et un micro ondes et au milieu trônait une massive table en bois. En somme, cet endroit était tout sauf pratique. Mais c'était à peu près ce qui représentait le mieux l'italienne. Tout était en bois ou en pierre décrépie, tapissé de divers objets de toutes les couleurs. De quoi s'écorcher les yeux.

Elle passait la majeure partie de son temps à griffonner sur la porte de sa salle de bains, laquelle était maintenant noircie par les différentes notes de la jeune adulte. Des numéros de téléphones se partageaient l'affiche avec des noms de puissants démons et un portrait au bic du chanteur de Queen. Et, collés sur un énorme SPARDA RULES, des dizaines de posts its comportant des listes de courses, des émissions à ne pas oublier de regarder datant de l'année précédente, et des titres de chansons à la mode.

Au sol, des tas de vêtements tous plus amusants les uns que les autres. Un tablier chat vert pomme posé en tas sur une combinaison en cuir, un soutien gorge noir enseveli sous un tas de t shirts multicolores. On pouvait parfois trébucher sur une chaussure à talons ou une doc martens, voir sur une assiette, mais c'était déjà plus rare. Si Sinatra était bordélique, elle n'en était pas sale pour autant.

D'ailleurs, ce jour-là, elle se décida à faire la vaisselle. Armée de gants PAIC, elle attrapa une à une chaque composante de son service et le nettoya sous l'eau bouillante, perdue dans ses souvenirs. Ce jour-là, elle n'avait pas le moral, ce jour-là, elle aurait dût fêter l'anniversaire de son père avec le reste de sa famille.

Il y a drames plus graves me direz vous. Pourtant, la notion de famille était importante pour elle, bien plus que toute autre chose. C'était aussi pourquoi elle réfléchissait tant, penchée sur les verres qu'elle lavait parfois plusieurs fois de suite, pour se donner un peu plus de temps. La famille. Pourquoi ses parents, qui l'avaient tant protégée, tant choyée, s'étaient ils décidés à la jeter proprement de la maison du jour au lendemain, sous un prétexte plus que bancal. Elle savait qu'il y avait une autre raison, une raison qu'on lui cachait. Si elle était partie aussi loin de chez elle, c'était aussi pour qu'on lui demande de revenir, or il lui avait parut que ses géniteurs avaient été plutôt soulagés de la savoir à l'autre bout du monde.

Pourquoi ?

Elle fronça le nez et le frotta de son poignet, les gants couverts de savon. Il lui manquait une donnée, une partie de l'énoncé qui l'empêchait de trouver la réponse. La pièce manquante. Son verre lui échappa des mains et s'enfonça dans l'eau qu'elle avait laissé couler au fond de sa bassine. Pourquoi, pourquoi. Plus important que le paic citron, pourquoi. Quelques bulles qui s'étaient déposées sur le bout de son nez éclatèrent, la faisant loucher une seconde. Rien dans ce qui l'entourait ne lui donnait la moindre réponse. Elle était réellement paumée.

Peut-être un rapport avec les démons ? Oui mais lesquels ? Dans la famille il était coutume d'être devil Hunter de génération en génération, simples humains. Ils étaient respectés pour leur courage et leur vivacité, malgré le fait qu'ils ne gagnent pas toutes les batailles, le nom des Di Sanseverini restait tout de même équivoque. Mais pas de quoi se mettre le diable à dos. A moins que si ? Peut-être ne savait-elle pas tout ?

Agacée de ne pas trouver directement, elle jeta le reste de sa vaisselle sale dans l'eau et se dépêcha de terminer, les cheveux maculés de mousse qui avait voltigé dans sa vaisselle furieuse. La brune attrapa le combiné du téléphone et composa le numéro qu'elle connaissait par cœur, entendant bien vite la voix de sa mère, ce qui lui arracha un sourire. Elle oubliait alors pourquoi elle s'était torturé les méninges et racontait aussitôt ce qu'elle avait fait dans son week end, de nouveau dans son élément, sa langue maternelle.